« Sans mouvement correct de la colonne, on ne peut pas vivre de façon dynamique. Le fondement de la vie humaine est la colonne vertébrale mais on n’accorde pas suffisamment d’attention pour l’exécuter : les pratiquants font juste ce que leur corps leur permet. »
BKS Iyengar, Interview du 1991
La colonne vertébrale a un rôle extrêmement important dans la pratique du yoga selon le système Iyengar. Sa structure est minutieusement étudiée dans chaque posture pour en optimiser les fonctions de soutien et d’alignement du tronc.
On reconnaît assez vite, en tant que pratiquants, les liens entre la colonne et les membres du corps : on apprend, par exemple, que toute action effectuée par les pieds ou les jambes a des effets sur la colonne. On apprend aussi à connaître notre propre colonne vertébrale et sa propre forme qui, comme une empreinte digitale, est unique : il n’existe pas deux colonnes vertébrales identiques et chacun aura besoin de comprendre profondément les fonctionnements de la sienne pour bien pouvoir l’utiliser, non seulement dans la pratique, mais dans la vie quotidienne.
Un peu d’anatomie et de kinésiologie…
Pour ce qui regarde l’anatomie osseuse (le squelette) de la colonne vertébrale, nous vous recommandons de consulter l’article du blog « Soulager les douleurs du bas du dos par le yoga Iyengar », où nous avons décrit la structure osseuse des différents segments qui composent la colonne :
- coccyx ;
- sacrum ;
- colonne lombaire ;
- colonne dorsale ;
- colonne cervicale.
Pour ce qui regarde les courbures de la colonne:
- la colonne lombaire est en extension (lordose) ;
- la colonne dorsale est naturellement en flexion (cyphose) ;
- la colonne cervicale est en extension (lordose).
La mobilité de la colonne vertébrale
Les différents segments de la colonne vertébrale n’ont pas les mêmes possibilités de mouvement. La colonne ne bouge pas donc comme une seule chose quand on se plie en avant, sur les côtés ou lorsque l'on tourne : certains segment sont plus faciles à la flexion, certains à l’extension, etc.
Pour parler des mouvements de la colonne on utilise comme repère une position de base, appelée position anatomique de base, qui est celle du corps debout, tronc vertical. C’est très intuitif : le corps a une partie antérieure, une postérieure, deux latérales. On visualise un axe qui traverse verticalement le tronc : cela servira à définir la direction des mouvements du tronc.
Les mouvements possibles du tronc (tout entier) sont, par rapport à la position anatomique:
- la flexion: le tronc se plie en avant de son axe central;
- l’extension : le tronc se plie en arrière par rapport à l’axe central ;
- la rotation : le tronc tourne autour de l’axe central ;
- l’inclinaison latérale : le tronc s’incline latéralement au delà de l’axe central.
La forme et la dimension des vertèbres ont un effet sur les possibilités d’action des différentes régions de la colonne : certaines parties de la colonne se plient facilement vers l’avant, d’autres tournent mieux, etc .
Les mouvements possibles dans les différentes régions de la colonne son les suivants :
- colonne lombaire: la forme des vertèbres lombaires permet tous les mouvements de flexion, extension, hyperextension et inclinaison latérale, pendant que la rotation est presque nulle.
- colonne thoracique: l’inclinaison latérale et la rotation sont libres (l’inclinaison étant limité seulement par le contact entre les côtes avoisinantes), la flexion et l’extension sont possibles, mais l’hyperextension (l’extension au delà des 180°) est empêchée par l’angle des processus épineux. Si on regarde de profil un dos qui se cambre vers l’arrière, on a l’impression que la courbe est homogène partout, pendant qu’il y a hyperextension seulement dans la colonne lombaire et cervicale et seulement extension (180°) dans la colonne thoracique. Plus en détail, la mobilité de la colonne dorsale n’est pas la même partout, à cause de son lien, à travers les côtes, avec le sternum dans sa partie haute. En particulier, la mobilité est très limitée dans la région entre les omoplates (T1 à T7) par les côtes qui sont reliées presque directement au sternum, en avant, par un court cartilage. De T8 à T10 les vertèbres supportent les « fausses côtes », avec une mobilité moins entravée. La mobilité est maximale au niveau des vertèbres T11 et T12, qui portent les « côtes flottantes », non reliées au sternum, et forment donc une région charnière entre haut et bas du dos.
- Dans la colonne cervicale, tous les mouvements sont possibles.
Les mouvements de la colonne dans la pratique du yoga
Nous apprenons très vite que, dans la pratique du yoga selon la pédagogie Iyengar, il y a des « familles » de postures : les postures debout, assises, inversées, etc. À l’intérieur de ces familles on classifie encore les postures selon la direction qui prend la colonne (flexion, extension ou rotation) : on obtient alors des postures « debout vers l’avant » ou « assises en torsion ». Dans de nombreuses postures, aussi, la colonne reste dans une position qu’on peut définir « neutre », dans le sens qu’on cherche à ne pas en altérer les courbes : c’est le cas des postures «vers l’avant » à « colonne concave », mais aussi de plusieurs postures debout, comme trikonasana, où le tronc change de direction mais la colonne ne change pas de forme.
L’optimisation des actions et des mouvements de la colonne
Quelle que soit la direction dominante de la colonne dans la posture, connaître l’anatomie vertébrale nous aide à « optimiser » la structure de la colonne. La colonne est le soutien principal du tronc, de ses viscères et de la respiration, il est donc fondamental qu’elle soit forte et stable. Sa structure musculaire devient faible avec la sédentarité et l’âge : avoir mal au dos n’est finalement qu’un symptôme d’un dysfonctionnement qui touche au tronc tout entier.
Dans le yoga, on apprend à optimiser la forme et la direction des segments de la colonne pour qu’elle reste en bonne santé et continue de soutenir correctement le tronc. Cela implique une observation attentive de chaque segment de la colonne, y compris ceux qui ne bougent pas réellement, comme le coccyx et le sacrum.
En général, dans la pratique on prête une attention particulière à ce que :
- la colonne vertébrale garde sa longueur : l’espace entre les vertèbres doit être sauvegardé précieusement pour éviter tout tassement vertébral, ce qui correspond forcément à un tassement des viscères du tronc.
La longueur de la colonne s’observe globalement : « j’étire toute la colonne », aussi que sur ses côtés: « j’étire la face avant/arrière/droite/gauche de la colonne ».
- la colonne vertébrale travaille constamment contre la force de la gravité (sauf dans la relaxation !). Là aussi on peut observer si toute la colonne réagit à la force de la gravité ou seulement par parties…
La colonne neutre
Dans une position « neutre » de la colonne, on disait, les courbures physiologiques sont maintenues, et cela correspond grosso modo à garder les lordoses lombaire et cervicale et la cyphose thoracique intouchées.
Pour cela, il faut travailler chaque segment de la colonne de façon à en optimiser les actions musculaires :
- le coccyx doit être stabilisé par des actions spécifiques, de manière que la base de la colonne reste stable ;
- le sacrum doit rester connecté aux os du bassin : on dit pour cela qu’on l’ »absorbe » dans le bassin ;
- la colonne lombaire doit monter vers la colonne dorsale ;
- la colonne dorsale doit rester à l’intérieur du dos (« absorbée ») ;
- la colonne cervicale doit rester étirée tout en gardant sa concavité.
Quand la colonne sort de la position neutre, chacune de ces actions est gardée, mais son intensité et sa fonction changent en raison de la direction de la colonne.
La colonne dans le mouvement vers l’avant
Quand le tronc est en flexion, la colonne se raccourcit dans sa partie antérieure. Dans une pratique correcte, on devrait veiller à ce que la colonne aille dans une flexion la plus homogène possible, avec une courbe régulière du coccyx à la tête. Selon la morphologie du pratiquant, la courbe s’accentue à certains endroits et est moins forte à d’autres. Le plus souvent, la courbe thoracique est plus forte, et celle lombaire moins accentué, mais tous les cas de figure sont possibles. L’important c’est de déceler et comprendre comment notre colonne se fléchit : une observation attentive de l’étirement antérieur, postérieur et latéral de la colonne nous donnera des indications précises sur comment travailler. Des informations précieuses nous viennent aussi de l’observation de la position et de l’état des viscères abdominales et des poumons : dans une flexion correcte on cherche à éviter de comprimer ou contracter les organes du tronc, c’est pour cela que tout le long de la flexion on observera si un tassement se produit et on agira pour l’éviter.
Après observation, des corrections de la posture peuvent se faire:
- en étirant la partie antérieure du tronc là où on sent la partie antérieure de la colonne se raccourcir de manière plus forte que dans les segments avoisinants ;
- dans la région thoracique, en « absorbant » les vertèbres qu’on sent « sortir » du dos (observer la tension de la peau à la surface) ;
- dans la région lombaire, en augmentant l’étirement latéral de la colonne (les côtés de la taille s’étirent davantage) et en le stabilisant en rapprochant les côtés de la colonne.
La colonne dans le mouvement vers l’arrière
Dans le système Iyengar, les « postures arrière », où la colonne va en extension, sont les plus avancées. Ces postures demandent une maturité particulière dans la pratique, où l’on soit capable d’une observation profonde des actions et des effets de la posture sur notre corps anatomique, organique, mental et psychologique. Ceci dit, dans un travail très basique des postures arrière, notre observation devrait être portée sur la partie postérieure du corps : l’extension étire la partie antérieure de la colonne, il faut donc maintenir un étirement constant de la partie postérieure aussi, de manière à ce que la colonne ne se raccourcit pas globalement et ne s’affaisse pas dans certains segments.
L’extension, comme la flexion, n’est pas égale dans les différents segments de la colonne, c’est notamment au niveau de la colonne lombaire que l’extension est la plus forte et moins limitée, pendant qu’au niveau dorsale ce mouvement est très réduit, et parfois même impossible.
Des actions basiques aident dans le mouvement arrière de la colonne :
- étirer et lever les côtés de la colonne lombaire vers la colonne dorsale, puis les rapprocher pour stabiliser l’étirement ;
- rentrer de manière très intense les vertèbres dorsales, surtout là où elles sont plus extériorisées (en général dans la partie supérieure de la colonne thoracique) ;
- rentrer et stabiliser la position de la base de la nuque (vertèbres C6 et C7) pour permettre à la colonne cervicale de s’étirer vers la bas du crane ;
- dans la colonne cervicale, comme pour la colonne lombaire, on cherche à harmoniser l’étirement antérieur et postérieur en étirant les côtés de la colonne et en en gardant la partie postérieur toujours étirée.
La colonne en rotation et en torsion
On sait que la rotation du tronc, qui peut nous apparaître homogène extérieurement, se fait en réalité dans de segments assez restreints de la colonne (bas de la colonne dorsale). Dans la rotation, le tronc tourne sur un axe vertical, pendant que dans une torsion l’axe de rotation est incliné. Dans les deux cas, la colonne tend à se raccourcir, et cela souvent plus d’un côté que de l’autre.
Dans les rotations et torsion on cherchera:
- à étirer les côtés de la colonne lombaire vers la colonne dorsale, puis à tourner avec le côté postérieur de la colonne vers le côté antérieur ;
- à absorber les vertèbres dorsales du côté postérieur de la rotation pour « muscler » l’action rotatoire.
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