"Quel que soit le nectar qui coule de la lune, qui est une forme divine, il est entièrement englouti par le soleil. D’où la décomposition du corps.
Il existe un processus divin par lequel le soleil est trompé…
Si le nombril est haut et le palais bas, alors le soleil est au-dessus et la lune en bas. Cette position, la pose inversée (Viparita Karani), doit être apprise grâce aux instructions d'un Guru".
Hatha Yoga Pradipika III, 77-79
Ce passage de l'ancien texte Hatha Yoga Pradipika, l'un des piliers fondateurs des techniques du yoga, parle du "secret", connu seulement par le yogi, pour inverser le processus de "décomposition" du corps (le vieillissement) causée par l'action de la gravité terrestre. Ce processus a lieu pendant tout le temps où notre tête se trouve au dessus de nos pieds, donc pendant une grande partie de notre vie active.
Sans chercher trop loin, le « nectar », représentant les fluides qui circulent dans l’organisme (sang, lymphe, etc.) est attiré par l’action gravitationnelle, donc dans un seul et même sens dans une situation de posture érigée, ce qui l’amène à stagner dans les extrémités aussi que dans les viscères.
L’organisme étant adapté à l’action de la gravité, plusieurs mécanismes sont en jeu pour y faire face, notamment au niveau de la circulation sanguine (tension artérielle, retour veineux, etc.), mais ces dispositifs perdent rapidement leur efficacité avec la sédentarité et la prise d’âge. La stagnation réduit et épuise les effets nourriciers des fluides organiques, déforme les cavités corporelles et provoque des dysfonctionnements physiologiques. L’homéostasie du corps est en danger, l’oxydation augmente, bref, on vieillit, plus rapidement et radicalement que si on conduisait la vie active à laquelle notre corps est destiné, où le réseau musculaire et l’appareil respiratoire garantissent un retour optimal des fluides corporels.
Dans le monde yogique, l’inversion corporelle a comme but le changement du sens de la circulation des fluides, mais aussi le retournement des organes et des viscères, un peu comme quand on tourne un matelas pour le rafraichir, ce qui permet un repositionnement du contenu des cavités organiques.
On dit souvent que l’inversion « régénère » le sang, ce qui est vrai si on pense à l’action inversée du diaphragme qui, se déplaçant en sens contraire à la gravité, maintient une tension sanguine optimale et permet une expansion maximale des poumons, ce qui conduit à une oxygénation idéale du sang. Ce même sang, dans la position inversée, transporte ses nutriments avec plus d’efficacité envers les glandes majeures du corps, lesquelles, toujours grâce à l’inversion, trouvent un meilleur positionnement et plus d’espace pour fonctionner correctement. Geeta Iyengar et Lois Steinberg décrivent les avantages des inversions dans les termes suivants :
… En plus des effets sur la reproduction, les inversions bénéficient également aux systèmes endocrinien, lymphatique, circulatoire, digestif, respiratoire, urinaire, excréteur et nerveux central. L’hypophyse, la glande pinéale, la thyroïde et les surrénales reçoivent un apport sanguin adéquat. Les inversions sont les meilleures postures pour équilibrer les hormones, qui sont également liées au maintien de la densité osseuse. La constipation, les flatulences et les hémorroïdes sont soulagées. Les voies urinaires, l’urètre, les reins et la vessie bénéficient du soulagement apporté par la force antigravitationnelle. Là encore, la perte minérale des os est freinée lorsque les muscles et les os vont à l’encontre de la gravité. La résilience des poumons est améliorée et le corps est maintenu au chaud. La rétention d’eau et l’œdème des jambes sont réduits. Le cerveau reçoit un flux sanguin sain, est rajeuni et la clarté des pensées prédomine. Les problèmes de sommeil peuvent s’améliorer. Un état d’équilibre, d’équilibre et de santé s’établit avec la pratique régulière de l’inversion.
La pratique du yoga pour les femmes par Geeta Iyengar et Lois Steinberg , p. 120
Et surtout, n’oublions pas que nous avons passé une certaine partie de notre vie prénatale la tête à l’envers…
La pratique des postures inversées
Faut-il avoir avoir peur des postures inversées?
Nous sommes nombreux à nous rappeler de l’époque heureuse de l’enfance, où nous accomplissions des performances aujourd’hui impensables, comme pendouiller tête à l’envers dans les arbres, se pendre à la verticale sur les jeux du square du quartier, faire la roue sur l’herbe ou le poirier sur le fond de la piscine de notre grand-mère…. Et pour ceux qui n’on jamais essayé ce genre de prouesses et stationnaient ébahis à regarder les autres, il peut rester toujours l’envie plus ou moins avouée de voir le monde au contraire. La pratique des postures inversées à l’âge adulte demande quand-même un peu de courage quand on n’y est pas habitués, ou que on ne l’a pas fait depuis des décennies. Certains pratiquants expérimentent une peur inexplicable face aux inversées, pendant que d’autres sont parfaitement à l’aise dedans. Guruji nous rassure, en tous as, sur la non dangerosité des postures inversées :
Certaines personnes craignent que si elles pratiquent des poses inversées, leur tension artérielle augmente ou que leurs vaisseaux sanguins éclatent. Ce sont des idées complètement fausses. Après tout, rester debout pendant de longues périodes peut entraîner des thromboses et des varices, mais personne n'arrêtera de rester debout ! Se tenir debout est le résultat de l’évolution. Tout comme le corps humain s’est adapté à la position verticale, il peut également apprendre à effectuer une inversion sans aucun risque ni dommage. Contrairement aux asanas en torsion, les asanas inversés ont un effet desséchant sur les organes pelviens et abdominaux, tandis que les organes vitaux comme le cerveau, le cœur et les poumons sont vidés de sang. Selon le troisième chapitre du Hathayoga Pradipika du sage Svatmarama, Salamba Sirsasana (posture sur le tête ou poirier) est le roi des asanas, et salamba sarvangasana (posture sur les épaules la reine des asanas. La santé de votre corps et de votre esprit est grandement améliorée par la pratique de ces deux asanas.
BKS Iyengar, Yoga, The Path to Holistic Health, pag. 64
Il ne reste que essayer ! La bonne nouvelle est que, après de nombreuses années d’enseignement de la technique Iyengar, je peux affirmer que l’effroi des postures inversées n’est plus qu’un souvenir même chez les élèves le plus craintifs et que même les peurs les plus irraisonnables peuvent être déracinées avec l’aide bienveillante et encourageante d’un bon professeur:)
Des précautions sont par contre à prendre selon votre état de santé pour pratiquer les postures inversées sans danger.
Ces postures sont notamment interdites dans les cas suivants :
Hypertension artérielle
Problème d'yeux ou d'oreilles
Maladie cardiaque
Vertiges ou nausées
Période des règles
Elles sont à pratiquer avec des modifications si d'autres problèmes de santé sont présents.
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